Après presqu’un an et demi de travaux, de concertations et de débats, la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet a été adoptée en séance, à l’Assemblée nationale, mardi 9 juillet, par 434 voix pour et 33 contre.
Nous avons vu ces dernières années une recrudescence des discours violents et de haine, qui contrevient à l’esprit initial d’internet. Cet espace inédit de liberté, qui permet d’augmenter les opportunités de partage notamment des expressions, des savoirs. Si nous voulons préserver ce formidable outil, il nous faut agir.
« La mission première de l’Etat est de protéger les Français hors ligne et en ligne. Nous avons une obligation de résultat. » Cédric O
Cette haine, qui regroupe notamment le racisme, l’homophobie, ou encore l’antisémitisme est en hausse alarmante depuis 2018. L’ampleur de ce phénomène est édifiante :
- Au 1er trimestre 2019, il a été constaté que le nombre de propos agressifs ou haineux sur les réseaux sociaux représente près de 15% des propos analysés.
- De plus en plus de jeunes en sont victimes. L’actualité récente nous l’a cruellement rappelé le 25 juin dernier lorsque la petite Evaelle, 11 ans, a mis fin à ses jours à à Herblay (Val-d’Oise).
- Pour 58% des français Internet est le principal foyer des discours de haine.
Ces propos haineux sur Internet participent à la banalisation de la violence dans notre société.
Enjeu :
- Renforcer l’efficacité de la réponse judiciaire
- Responsabiliser les plateformes dans la lutte contre la haine sur internet
- Susciter une prise de conscience sociétale
- Trouver le juste équilibre entre protection des personnes et liberté d’expression
La proposition de loi que nous venons de voter en première lecture permet d’affirmer notre objectif de protéger les personnes en ligne et hors ligne. La cyberhaine est un problème de société, elle est représentative de l’augmentation de la violence en France. Les auteurs de contenus illicites ne se rendent bien souvent même pas compte que leurs actes sont illégaux, les victimes se sentent isolées et impuissantes.
Des bases dès la loi de confiance dans l’économie numérique
La loi de confiance dans l’économie numérique de 2004 avait déjà jeté les bases de ce dispositif en prévoyant une obligation de retrait « prompt » des contenus illicites notifiés à la plateforme.
Dans la loi contre les violences sexistes et sexuelles de 2018, portée par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, la notion de harcèlement en meute a été introduite, permettant de compléter notre arsenal juridique s’agissant de la problématique spécifique du cyber harcèlement.
Aujourd’hui, nous allons plus loin et nous nous dotons de nouveaux outils indispensables, tout en responsabilisant les divers protagonistes présents sur internet. Explications.
▶︎ Responsabiliser les plate-formes/réseaux sociaux
- Nous instaurons une obligation pour les plus grandes plateformes de retirer tout contenu haineux manifestement illicite dans un délai de 24 heures après sa notification, notamment par les internautes.
Imposer aux plateformes la suppression de ces contenus, c’est assurer une meilleure protection des victimes de ces attaques et limiter la diffusion des contenus de haine. Le défaut de retrait d’un contenu manifestement illicite par une plateforme constituera un délit, puni d’un an d’emprisonnement et 250 000€ d’amende.
Par ailleurs, suite au vote de mon amendement, nous donnons aux mineurs, premiers utilisateurs des plateformes en ligne, une protection spéciale lorsqu’ils sont victimes de cyber-violence ou de cyber-harcèlement sur Internet. Ainsi, les mineurs victimes d’un contenu abusif pourront saisir un « signaleur de confiance » telle l’association e-enfance afin de bénéficier d’un accompagnement adapté et immédiat.
- Nous mettons en place une supervision de ces grands réseaux sociaux.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sera chargé d’encadrer et de contrôler le respect par les grandes plateformes et réseaux sociaux (potentiellement Twitter, Facebook, Google, Snapchat…) de nouvelles obligations de moyens et de transparence.
- Nous imposons aux plus grosses plateformes en ligne d’avoir les moyens de traitement adaptés et efficaces pour assurer l’examen des notifications reçues et le retrait des contenus haineux manifestement illicites.
Si les plateformes ne respectent pas ces obligations de moyens, une sanction allant jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaire mondial leur être appliquée.
- Nous simplifions la procédure de notification des contenus
Aujourd’hui, cette procédure est lourde pour les utilisateurs et donc très peu utilisée. Un dispositif visible permettra aux victimes d’initier aisément une demande de retrait. Par ailleurs, les utilisateurs connectés n’auront plus besoin de s’identifier de manière complémentaire pour effectuer une notification.
▶︎ Adapter notre système répressif à la spécificité et à l’ampleur du problème
- Nous créons un parquet spécialisé.
Il permettra que les plaintes, dans les cas les plus complexes, soient traitées par des magistrats experts de ces comportements de haine en ligne et des techniques d’enquête adaptées (2020).
- Nous mettons en place le dépôt en ligne centralisé permettant aux victimes de plaine en ligne de s’adresser plus facilement à une plateforme spécialisée contre la délinquance sur Internet. (Plateforme Pharos : policiers et gendarmes experts des contenus illicites proférés sur les réseaux sociaux et internet).
- Recours à l’ordonnance pénale.
Afin de simplifier et d’accélérer la sanction des auteurs des infractions nous permettons le recours à l’ordonnance pénale.
▶︎ Sensibiliser les citoyens
- Mise en place de formations de sensibilisation à la haine en ligne dans le cadre de la formation des enseignants.
- Mise en place de formations de campagnes de sensibilisation pour éduquer les enfants au bon usage du signalement mis en place par la loi ;
- Renforcer les programmes scolaires en matière de prévention et de sensibilisation contre la lutte contre la diffusion de messages haineux en ligne au Service national universel.
Sur internet, la protection de tous et notamment de nos enfants doit rester notre priorité !