Interdictions de stade et supportérisme : d’une logique de répression à une logique de co-production

Ce mercredi 20 mai, les propositions du rapport de la mission d’information commune sur les interdictions de stade et le supportérisme, pilotée par mes collègues Marie-Georges Buffet et Sacha Houlié et à laquelle j’ai participé, sont présentées en commission des lois et des affaires culturelles. Fruit des travaux et auditions que nous avons menés depuis le mois de juin 2019, ce rapport « se veut le moyen de passer d’une logique de répression à une logique co-production ».

Durant ces mois de travaux, nous avons conduit de très nombreuses auditions d’administrations centrales et déconcentrées, de dirigeants d’instance et de club, de représentants des supporters et de sociologues.

En effet, c’est à la fois un sujet sensible et symbolique. On voit des intervenants nationaux se féliciter des ambiances dans les stades et paradoxalement, dans un mouvement schizophrénique, on sanctionne les clubs et les supporters d’amendes et d’interdictions de stade.

Il nous faut redonner tout son sens à l’engagement du public et apporter une réponse concrète, durable et crédible.

Un stade sans supporters c’est une coquille vide. On ne peut d’un côté se réjouir d’avoir des supporters qui animent le stade et de l’autre côté vouloir les contraindre. Il faut trouver, comme toujours un compromis, qui ne soit pas une cote mal taillée mais justement une preuve de confiance.

Aussi, les propositions que nous portons appellent des efforts de chacun des acteurs qui exigeront de revoir les fondements de la police administrative, d’adapter les réponses disciplinaires et pénales, de responsabiliser les instances sportives, mais aussi les associations de supporters, et d’accepter de discuter chacune des innovations présentées.

Chacun à notre place, nous devons permettre de maintenir l’équilibre garantissant les libertés fondamentales et la tranquillité publique.

Ce rapport est donc une boîte à outils qui doit se lire comme un guide de recommandations à mettre en œuvre le plus tôt possible.

Aussi ce matin, en commission commune des lois et des affaires culturelles, je suis intervenu sur la question du travail à mener avec les associations représentatives de la sécurité privée. En effet, il est primordial, dans une logique de continuum de la sécurité, que les acteurs de la sécurité publique et privée travaillent ensemble afin d’assurer à la fois la sécurité de nos stades mais aussi l’esprit festif qui doit y demeurer.

Retrouvez en vidéo mon intervention et la réponse de Sacha Houlié. 

✅ Les Propositions :

  • Propositions concernant le dialogue entre les  supporters,  les  clubs,  les  instances et les pouvoirs publics :

– Renforcer la  représentation  des  supporters  au  niveau  national  en  intégrant davantage  d’associations au  sein  de  l’ANS  ou  dans  une  instance  plus large

– Favoriser l’agrément  des  associations  de  supporters  en  assouplissant  les  démarches de  déclaration  et  en  offrant davantage  de  droits aux  associations agréées ;

– Offrir des  contreparties  aux  groupes  agréés  de  supporters, notamment  dans  le  cadre de  la gestion  du  club  et  de l’organisation  des  déplacements ;

– Conforter le  rôle  du  référent  supporters,  valoriser  son  statut,  qui  reste  aujourd’hui précaire,  et  poursuivre  les  efforts de formation.

  • Propositions concernant les  interdictions  administratives  de stade (IAS)

– Renforcer la  transparence  des données  relatives aux IAS (motifs, durée, annulation …) en faisant remonter les données des  préfectures  et  des  juridictions administratives;

– Réduire la  durée  maximale  des  IAS à  six  mois (douze  mois en  cas  de  récidive)

– Clarifier les  motifs  des  IAS,  en supprimant la notion de comportement d’ensemble;

– Faciliter le  recours en  référé liberté  ou  en  référé suspension ;

– Supprimer la  possibilité  de  cumuler  IJS (interdiction judiciaire de stade) et IAS.

– Aménager la  mise  en  œuvre  des  obligations  de  pointage

  • Propositions concernant les  interdictions commerciales  de stade (ICS)

– Encadrer la  mise  en  œuvre  des  ICS,  en  précisant  les  motifs  qui  peuvent  les  justifier, pour  éviter  qu’elles  ne  se  substituent  aux  IAS ;

– Fixer une  durée maximale  (ne  pouvant  en  tout  état  de  cause  excéder  une  saison) pour  les  ICS  ainsi  qu’une  procédure  contradictoire,  permettant  d’entendre  les personnes  concernées.

  • Propositions concernant les  interdictions  de déplacement

– Confier la direction  de la  DNLH (Division nationale de lute contre le hooligalisme  à  un  préfet  et  renforcer  l’autorité  de  ses avis;

– Veiller à  la  mise  en  œuvre  de  la  circulaire  du  18  novembre  2019  prévoyant  la  tenue de  réunions  préparatoires  au  moins  trois  semaines  avant  les  rencontres  sensibles  et associer  le  plus  grand  nombre  d’inter venants  à  ces  réunions :  préfectures  d’accueil  et d’origine,  représentants  et  référents  supporters  des  deux  clubs  ainsi,  éventuellement, que  des représentants  des  associations  de  supporters et  des  diffuseurs  du  match ;

– En  contrepartie  de  l’agrément,  donner  la  possibilité  aux  groupes  de  supporters  de participer  aux  réunions de  préparation  des  déplacements ;

– Encadrer l’ancienneté  des  événements  pouvant  être  mentionnés  pour  motiver  un arrêté  d’interdiction  ou  d’encadrement  de  déplacement ;

– Rendre les  arrêtés  concernant  les  déplacements  des  supporters  accessibles  en  ligne sur  une  plateforme  dédiée,  accompagnés  des  plans  permettant  de  visualiser  les éventuels  points  de  rendez-vous et  zones  interdites  aux  supporters

– Généraliser  l’expérimentation,  initiée  par  la  fondation  Nivel,  du  « policier référent »  pendant les déplacements.

  • Propositions concernant la  lutte  contre  les  discriminations

– Prévoir  dans  les  conventions  entre  le  ministère  des  sports  et  les  fédérations l’obligation  de consacrer  des  salariés à  l’accompagnement  des  clubs  dans  la  lutte contre  les  discriminations,  notamment auprès de leurs supporters

– Créer un  fonds  1%  anti-discrimination  dans  chacune  des  instances,  destiné  à garantir  le financement  des  actions  conduites  par  les  fédérations  et les ligues professionnelles;

– Renforcer le  Fonds  d’aide  au  football  amateur  (FAFA)  et  les  financements  fléchés vers les programmes de lutte contre les discriminations ;

– Former les  stadiers  et  les  forces  de  police  à  la  reconnaissance  des  messages, insignes  et  comportements à  caractère  discriminatoire ;

– Prévoir des  stages  de  sensibilisation,  en  alternative  à  une  interdiction  commerciale, pour  les supporters ayant manifesté  des  comportements  discriminatoire ;

  • Propositions concernant l’aménagement  des debout

– Lorsque  c’est  possible,  augmenter  les  capacités  des  tribunes  debout,  dans  le  respect des  normes  de  sécurité,  et  ouvrir  à  d’autres  clubs  la  possibilité  d’ouvrir  une  tribune

– Engager une  réflexion  sur  la  construction  des  stades  et  l’aménagement  de  leurs abords  afin  de favoriser  l’accès  et  la  sécurité  des  joueurs  et  des  supporters  visiteurs ;

– Inciter les  clubs,  notamment  dans  le  cadre  des  formations  des  référents  supporters, à  participer  et  à  accompagner  leurs supporters  dans  la  préparation des  déplacements afin  de  transmettre  les  informations  pertinentes  aux  préfectures  d’accueil  et  d’éviter ainsi  le  recours aux  arrêtés;

– Encourager les  clubs  à  faire  des  efforts  pour  améliorer  l’accueil  des  supporters visiteurs.

  • Propositions concernant l’usage  des engins pyrotechniques :

– Interdire,  par la  loi,  le  prononcé  ou  enjoindre  à  la  Ligue  de  renoncer  aux  sanctions collectives  et  engager  une  réflexion  sur  le  rôle  de  la  commission  de  discipline  de  la LFP

– Poursuivre les  études  sur  l’élaboration de  nouveaux  types  de  fumigènes  pouvant offrir  le  même spectacle  en présentant moins  de risques ;

– Maintenir une  interdiction  stricte  de  l’introduction  et  de  l’utilisation  des  engins détonants (pétards,  bombes  agricoles)  dans  les  stades ;

– Soumettre les  clubs  à  une  obligation  de  moyens  en  matière  d’interdiction  de  l’usage sauvage  de  fumigènes;

– Transférer  aux  associations  de  supporters  qui  souhaitent  utiliser  des  fumigènes  la responsabilité  civile  et  pénale  de  l’organisateur  en  cas  d’incident ;

– Ouvrir une phase  d’expérimentation  en  vue  de  préparer  la  légalisation  d’un  usage encadré  des  engins  pyrotechniques  dans  les  tribunes,  en  laissant  aux  clubs  l’initiative de  proposer  des  dispositifs  d’encadrement  différents,  sous  le  contrôle  et  avec l’évaluation  de l’Instance  nationale  du  supportérisme.

Retrouvez mon interview sur France bleu Saint-Etienne Loire

Projet de rapport MIC supportérisme