Mardi 23 juillet, j’ai voté pour le projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, autrement appelé CETA. Cet accord de libre-échange, conclu en 2016 entre le Canada et l’Union européenne, est source de nombreuses contre-vérités. Afin de dépassionner le débat et de sortir des clichés, revenons en aux faits !
Le CETA, fruit des négociations ouvertes en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et poursuivies sous celle de François Hollande, est en application provisoire depuis le 21 septembre 2017. Il a pour objet le renforcement de la coopération économique entre l’Union Européenne et le Canada, la simplification de leurs échanges commerciaux et la convergence des normes autour de standards communs élevés.
J’ai toujours fait preuve de vigilance à l’égard de ce type d’accords commerciaux.
J’ai toujours souhaité que le CETA ne puisse s’appliquer qu’avec l’approbation de la représentation nationale, à la suite d’une étude d’impact rigoureuse.
Si l’entrée en vigueur provisoire n’a pas été repoussée, une étude sans précédent pour ce type de texte a bien été commandée. Elle a été réalisée par un organisme totalement indépendant, le CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), et visait à quantifier les effets macroéconomiques, sectoriels et environnementaux du CETA à moyen terme par rapport à un scénario de référence sans accord.
Le rapport de la commission d’évaluation indépendante comme les études quantitatives d’impact ont été intégralement rendus public afin d’éclairer le débat public, avec des informations fiables et précises, en étayant les bénéfices à attendre de l’accord en matière économique et environnementale, l’absence d’impact économique négatif, y compris pour les filières les plus sensibles, ou de l’absence de risque sanitaire.
En matière économique, le bilan est sans appel : en 2018, notre balance commerciale avec le Canada a progressé de 400 millions d’euros, une tendance qui profite notamment à nos exportateurs agricoles et agroalimentaires. A long terme, le CEPII anticipe également des bénéfices pour notre économie et nos emplois.
Nous avons évidemment attaché une importance toute particulière à nos filières agricoles sensibles. Sur ce point, les flux entre l’UE et le Canada sont restés très faibles. Par exemple, en ce qui concerne la viande bovine, seules 12 tonnes équivalent carcasse ont été importées en 2018 sous contingent CETA pour un marché français de 1,5 million de tonnes. Cela s’explique par le fait que la filière canadienne n’est pas équipée pour répondre à nos normes. Le CETA n’a donc pas eu d’impact sur ces filières à ce stade.
Mieux encore, l’accord ouvre de nouveaux débouchés à nos agriculteurs, dont certains ont déjà su se saisir, et offre une protection supplémentaire à pas moins de 42 indications géographiques françaises, ce qui prouve que notre modèle de production est reconnu.
Sur le plan sanitaire et phytosanitaire, aucune irrégularité n’a à ce jour été constatée sur les 52 lots de viande d’origine canadienne ayant été contrôlés. Un nouvel audit sanitaire sera conduit par la commission européenne au Canada d’ici la fin de l’année 2019.
Au plan environnemental, l’étude du CEPII prévoit moins de 0,01% d’émissions supplémentaires de dioxyde de carbone d’ici 2035. Cela s’inscrit parfaitement dans la volonté partagée avec le Canada de respecter coûte que coûte l’Accord de Paris et d’assurer sa mise en œuvre rapide.
Une ligne rouge infranchissable
Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats prévu par le CETA suscitait également beaucoup d’inquiétudes. En effet, la compétence donnée au système canadien de règlement (de type américain) était une ligne rouge infranchissable.
Fort heureusement, il a été profondément transformé. Il était initialement organisé autour de tribunaux d’arbitrage. Ces arbitres, recrutés dans un petit groupe, sont régulièrement soupçonnés d’être alternativement arbitres et avocats. Il a donc été transformé en système juridictionnel, appelé l’Investment Court System (ICS), avec des juges permanents nommés pour des mandats de 5 à 10 ans issus à part égale du Canada, de l’UE et de pays tiers.
Les juges du tribunal de première instance et de tribunal d’appel devront présenter des qualifications comparables à celles des membres des juridictions internationales permanentes (comme la Cour internationale de justice de La Haye) et offrir toutes les garanties nécessaires en termes d’absence de conflit d’intérêt, sur la base d’un code de déontologie extrêmement strict. L’appartenance au tribunal de première instance ou à la cour d’appel sera incompatible avec l’exercice de la profession d’avocat d’affaires. Les arrêts rendus par le tribunal de première instance pourront faire l’objet d’un appel.
Dans une décision du 31 juillet 2017, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions du CETA ne sont pas de nature à faire « obstacle à toute mesure que les États sont susceptibles de prendre en matière de contrôle des investissements étrangers » et que l’institution du tribunal prévu ne méconnaît pas « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. »
Cet accord commercial de nouvelle génération ne doit pas seulement approfondir l’intégration commerciale mais surtout promouvoir des standards exigeants et défendre des préférences et valeurs européennes, notamment aux plans écologiques et sanitaires. En effet, le CETA a fait l’objet d’une étude d’impact et d’un suivi inédits dont les premiers enseignements montrent que cet accord n’a pas d’impact sur les émissions de gaz à effet de serre, la qualité de notre alimentation et le devenir de nos filières agricoles.
Un très gros travail a donc été fait par le gouvernement, par les parlementaires pour obtenir des garanties supplémentaires concernant cet accord.
Comme le rappelait Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires étrangères:
« Les accords commerciaux ont trop longtemps été négociés en catimini. Nous avons donc changé de méthode. «
Pour toutes ces raisons, j’ai voté en faveur du projet de loi autorisant la ratification de deux accords entre l’Union Européenne et le Canada.
Je resterai très vigilant à ce que les signes encourageants observés lors de son application temporaire perdurent et se renforcent et que cet accord ne devienne en aucun cas nocif pour notre mode de vie, nos normes environnementales et sociales, et notre modèle de production
Pour répondre à vos interrogations
- Sur le veto climatique : nous avons obtenu de la part de la Commission, et cela a été accepté par les autorités canadiennes, qu’un texte interprétatif de l’accord, juridiquement contraignant, garantisse que toutes les réglementations environnementales seront protégées des recours abusifs des entreprises multinationales. Le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats est désormais parfaitement encadré, et les craintes à son encontre sont désormais infondées. Pleinement conscients de ces risques, nous avons demandé une estimation du Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII). Celui-ci a estimé la hausse potentielle des émissions de gaz à effet de serre +0,01%.Mais, l’évolution des prix lié à cette demande supplémentaire de carburant devrait entraîner in fine une baisse de la consommation d’hydrocarbures (arbitrage en faveur d’autres moyens de transport, reconfiguration de l’offre, etc.).L’article 24-4 du CETA impose d’ailleurs de respecter nos engagements environnementaux et l’instrument interprétatif du CETA fait directement référence à l’Accord de Paris.
- Sur les farines animales : la réglementation sanitaire de l’UE n’est absolument pas modifiée par le CETA. Il n’y a aucune disposition du CETA qui assouplisse cette réglementation. Ainsi, la réglementation UE relative aux farines animales rester valide, avec ou sans CETA : il est interdit en UE d’importer des viandes de ruminants (dont bovins) issues d’animaux nourris avec des farines animales issues de ruminants.
- Sur les nouveaux OGM (New Breeding Technology) : là aussi, le CETA ne change strictement rien à la réglementation UE sur le sujet. L’avis de la CJUE de juillet 2018 indique que tous les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM. Les nouveaux OGM sont donc bien soumis aux obligations de la réglementation OGM : évaluation des risques, autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance.
- Sur le principe de précaution : le principe de précaution est protégé dans le texte de l’accord CETA (comme l’ont confirmé à la fois la décision du Conseil constitutionnel du 31 juillet 2017, et l’avis de la CJUE rendu le 30 avril 2018). Le droit à réguler des Etats est même consacré dans le CETA, ce qui est encore plus fort.
La principale concurrence de la filière viande bovine en France provient des autres pays de l’Union européenne (96 à 97 % des importations françaises sont d’origine européenne), pas des pays tiers, et a fortiori pas du Canada.
En 2018, année pleine d’application provisoire du CETA, les exportations en provenance du Canada ont été marginales : le Canada n’a exporté vers la France que 12 tonnes (équivalent carcasse), dans le cadre des contingents tarifaires alloués dans le cadre du CETA, pour un marché de consommation domestique de 1,5 million de tonnes. Cela s’explique par le fait que le Canada n’est que marginalement outillé pour répondre à la demande française et notamment pour remplir le cahier des charges d’une filière sans hormone, qui est la seule acceptée pour l’exportation vers l’Europe. Seulement 36 fermes canadienne agréées sur 75.000, peuvent nous exporter du bœuf sans hormones.
Par ailleurs, le gouvernement s’est engagé à suivre de manière méticuleuse toute évolution des flux sur les filières sensibles, dans le cas – hypothétique – d’une inversion de tendance. C’est pourquoi il a mis en place un comité de suivi des filières agricoles sensibles qui réunira tous les 6 mois les directeurs des administrations en charge du suivi de la politique commerciale (DG Trésor, MAA, MTES, MEAE) et de la collection des données (FAM, DGDDI, SSP, DGEC, SER) sous la présidence de la Secrétaire générale aux affaires européennes.
En outre, nous avons adopté de nombreuses mesures afin d’améliorer le pouvoir d’achat de nos agriculteurs, avec notamment :
-la mise en place d’une exonération totale des cotisations jusqu’à 1,2 SMIC et de façon dégressive jusqu’à 1,6 SMIC au titre des années 2019 et 2020
– la transformation du CICE en allégement de charges pérennes de 6 points jusqu’à 2,5 SMIC au 1er janvier 2019
– la prolongation du congé maternité pour les travailleurs indépendantes et les exploitantes agricoles
-la facilitation de la transmission des exploitations à travers le triplement du plafond d’exonération des transmissions de baux ruraux à long terme ou parts de groupements fonciers de 101 897 euros à 300 000 euros
-le remplacement des dispositifs existants de déduction pour aléas (DPA) et de déduction pour investissement (DPI) par un dispositif unique d’épargne de précaution
-la suppression de la limite déductible fixée à 17 500 euros pour le salaire du conjoint de l’exploitant non adhérent à un centre ou une association agrées
-la mise en place d’un abattement dégressif par tranche de revenu en fonction du bénéfice agricole en faveur des jeunes agriculteurs.
Les retraités du monde agricole bénéficient par ailleurs d’un ensemble de dispositions visant à améliorer leur pouvoir d’achat et leurs conditions de vie. Ainsi, les personnes âgées de plus de 60 ans, ainsi que les veufs ou les veuves quel que soit leur âge, sous réserve de conditions de ressources et de non-imposition à l’impôt sur la fortune immobilière, sont exonérées de la taxe d’habitation.
Afin de soutenir le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, une revalorisation exceptionnelle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) a été prévue permettant de porter son montant à 903 € par mois en 2020 (contre 803 € au 1er avril 2017) pour une personne seule, soit une revalorisation de 100 € sur trois ans.
Aussi, pour permettre de redonner de la valeur à l’agriculteur, plusieurs outils ont été mis en place dans le cadre de la loi EGAlim :
-la hausse du seuil de revente à perte
-l’encadrement des promotions
-le renforcement des sanctions pour les prix abusivement bas
-l’inversion de la construction du prix, avec une production du producteur à l’acheteur
Par ailleurs, nous sommes pleinement mobilisés pour protéger au mieux les populations et les agriculteurs impactés par la sécheresse. Plusieurs dispositifs d’aide aux agriculteurs sont mis en place au niveau national. Nos agriculteurs pourront recevoir un pourcentage plus élevé de leurs avances d’aides PAC en matière de paiements directs (jusqu’à 70%) et paiements au titre du développement rural (jusqu’à 85%), et afin de pouvoir nourrir leurs animaux, ils disposeront d’une plus grande souplesse quant à l’utilisation de terres qui, en temps normal, ne sont pas utilisées à des fins de production
Pour rappel, le texte va maintenant être débattu au Sénat.
📃 Traité CETA - VRAI / FAUX ❌ Le CETA permet l’importation de bœuf aux hormones : FAUX ✅ Le bœuf aux hormones est interdit à la commercialisation partout dans l’Union européenne, quel que soit le pays de provenance, et qu’il existe ou pas d’accord de libre-échange avec ce pays. ❌ Le CETA permet l’importation de saumons transgéniques : FAUX ✅ La mise sur le marché de saumon génétiquement modifié n’est pas autorisée dans l’Union européenne, quel que soit le pays de provenance. ❌ Les accords de libre-échange diminuent les contrôles sanitaires : FAUX ✅ En cas de non-conformité grave ou violation des normes sanitaires, l’UE est autorisée à mettre en place des contrôles et analyses systématiques aux frontières. ✅ Elle peut aussi interrompre unilatéralement ses importations en provenance d’un pays tiers. ✅ Il lui est également possible de suspendre l’agrément export d’un établissement étranger. ❌ Le CETA ne reconnaît pas l’Accord de Paris : FAUX ✅ Le CETA (article 24.4) impose explicitement le respect des obligations souscrites par le Canada et l’UE dans les accords environnementaux multilatéraux, dont l’Accord de Paris. • Rappel: l’Accord de Paris n’était pas encore ratifié au moment de négocier le CETA. • Des références explicites à l’Accord de Paris ont ensuite été intégrées à la déclaration interprétative conjointe du CETA signée par le Canada et l’UE (octobre 2016), qui a force contraignante, et dans une décision du comité ministériel canado-européen chargé de l’application du CETA (septembre 2018). ❌ Le CETA remet en cause le principe de précaution : FAUX ✅ L’article 24.8 y renvoie clairement et l’instrument interprétatif commun souligne que « l’Union européenne et ses États membres d’une part, et le Canada d’autre part, réaffirment les engagements qu’ils ont pris en matière de précaution dans le cadre d’accords internationaux ». ❌ Le CETA favorise l’importation de bovins nourris aux farines animales : FAUX ✅ La réglementation européenne reste inchangée depuis l’entrée en vigueur provisoire du CETA. ✅ Les farines animales ne seront pas autorisées dans l’alimentation des bovins en Europe suite à la ratification du CETA. ✅ L’importation de viande issue de bovins nourris aux farines animales est interdite. ✅ Donc pas de changement pour le consommateur européen ! ❌Le CETA facilite l’importation dans l’UE de produits agricoles cultivés en utilisant des pesticides interdits dans l’Union (ex. de l’atrazine) : FAUX ✅ Lorsque des pesticides sont interdits d’usage dans l’UE, les produits agricoles importés doivent se conformer à un seuil maximum de résidus de ces pesticides. ✅ Ce seuil est scientifiquement établi par les autorités sanitaires européennes afin de ne pas constituer un danger pour la santé et l’environnement. ✅AUCUNE concession n’a été faite en matière de santé des consommateurs !